Par Anne de Vernal
22 avril 2020
Le Programme International Géosphère-Biosphère a été inauguré en 1987, date dont je me souviens, car je signais mon premier contrat à l’UQAM comme attachée de recherche du CRSNG. Peu après, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) a été formé et son premier rapport a fait l’objet de publication en 1992. Cela fait donc une trentaine d’années que la collectivité scientifique partage des préoccupations concernant l’environnement et le climat en raison d’activités industrielles croissantes. Les prévisions du premier rapport du GIEC se sont avérées globalement assez exactes (voir figure ci-dessous).
La communauté scientifique internationale participant aux travaux du GIEC inclut maintenant des milliers de chercheurs. Elle prépare son 6e rapport. Celui-ci sera exhaustif, reposera sur une littérature scientifique volumineuse ainsi que sur des simulations numériques complexes. Les pronostics, dans leur ensemble, seront semblables à ceux des rapports précédents. Toutefois, les changements en cours sont d’une telle ampleur qu’il est maintenant nécessaire de prendre en compte des processus à long terme caractérisant l’histoire géologique de la Terre; parmi ceux-ci: la dynamique des grandes calottes glaciaires, considérées assez stables jusqu’à récemment, et donc initialement perçues comme un élément secondaire de l’évolution du climat et du niveau de la mer globaux au cours des prochaines décennies. Or, les observations satellitaires révèlent que les calottes de glace du Groenland et de l’Antarctique ont débuté leur déclin sous l’effet du réchauffement climatique. Leur fonte totale entraînerait une élévation globale moyenne du niveau de la mer d’environ 66 mètres, soit 7 mètres provenant de la calotte groenlandaise, et plus de 58 mètres, de la calotte antarctique.
La question qui se pose n’est plus de savoir si les calottes glaciaires vont disparaître, mais à quelle vitesse elles le feront…
Un seuil critique a été franchi et la tendance est maintenant irréversible. La question qui se pose n’est plus de savoir si les calottes glaciaires vont disparaître, mais à quelle vitesse elles le feront, et quels en seront les effets sur le volume de l’océan et sur la croûte terrestre. Celle-ci sera affectée par l’allègement des continents antérieurement englacés et l’enfoncement des régions océaniques alourdies par l’augmentation du volume océanique. Les conséquences sur le niveau relatif de la mer et sur les marges continentales et écosystèmes côtiers seront considérables et affecteront les prochaines générations de façon irréversible. Il s’agit de grandes questions auxquelles les spécialistes du système terrestre s’efforcent de répondre en utilisant les archives géologiques.
Anne de Vernal est professeure au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM, spécialiste en paléoclimatologie.